"Il n'est pas impossible que des amateurs de "livres qu'on ne lit que d'une main" (Jean Goulemot) soient déçus à la suite d'un achat décidé sur la seule base du titre."
Magazine Spirale (Montréal, Québec)
Préfacé par Philippe Hauer
Quatrième de couverture par Marie Desplechin
Graphisme : Benoît Brient
janvier 2015
Format : 125 x 190 mm
Broché - papier bouffant
96 pages
ISBN : 9791093160047
Prix : 9€ + 2,99€ frais de port
Anne David est une branleuse parce qu'elle est au chômage. Nous n'attendrons d'elle ni grandes phrases ni régularité. Dans la perspective de nos feuilletons c'est un lourd handicap ; c'est pourquoi nous lui ouvrons une page, qu'elle remplira à sa guise, tout comme s'il s'agissait d'un blog en un peu moins bien.
Issue de la génération numérique, pas celle qui baigne dedans mais celle qui le découvre sur le tard, elle pense être geek car elle joue à des jeux. La brièveté de ses réflexions tient donc plus au temps de lecture qu'on vous accorde sur facebook qu'à une quelconque pensée trop courte.
Elle vit dans le chômage, un coup-ci, un coup-là, c'est dire qu'elle n'a pas le temps de chômer, car chaque période d'inactivité est consacrée à la rédaction de nombreuses lettres de demandes, de démarches administratives et de comptage des dernières pièces dans sa poche. Tout le monde connait ça, non ? Entre toutes ces exaspérantes occupations, elle trouvera le temps de nous faire partager son quotidien, et les cruelles réflexions que vous inspire cette mise au ban de la société, ce petit fonctionnement pervers de notre petit monde occidental où on vous détruit gentiment mais patiemment toute estime de soi et où seuls les mégalos, les égocentriques et les salauds arrivent à s'en sortir, jusqu'à n'être bientôt plus que les seuls à avoir droit de cité. Les chroniques d'une branleuse, c'est, dans l'hypocrisie générale, une bulle d'air pour un cerveau encore honnête avant de se faire totalement détruire.
L'AUTEUR
Anne David a 38 ans, elle vit et ne travaille pas à Aix-en-Provence. Elle a été coupeuse de cheveux en quatre pour diverses branches de la fonction publique dans le secteur culturel et l'art contemporain. Elle a travaillé régulièrement à des postes infra-subalternes pour de grandes entreprises françaises et a toujours fini par en revenir. Elle croit, avec la ferveur des naïfs, aux vertus de la démocratisation culturelle et que 10 minutes d'un film de Ange Leccia ou Catherine Nyeki font plus pour le bonheur que 1h sur TF1. M'ouais elle pense que ça vaut le coup d'y croire car l'alternative lui est insupportable.
Aujourd'hui, alors quelle profite du chômage pour « repositionner son parcours professionnel et autres foutaises » elle est son propre objet d'étude dans ses Chroniques d'une branleuse. Anne David propose une lecture distanciée de cette lente dégradation de l'égo, de l'estime de soi, des modifications des relations sociales et professionnelles qu'occasionne l'exclusion des réseaux professionnels, le manque d'argent, c'est-à-dire le chômage.
"Tout est bien dans les chroniques d'Anne David, ses questions, ses colères, ses amitiés, et ce qu’elle écrit du grain de sa vie. Le chat, le toit, le neveu,
le café où elle s’astreint à se rendre tous les jours avec son ordinateur, la guimauve que le garçon pose sur la soucoupe depuis qu’il sait qu’elle est au chômage. Parce que c’est lui, le
chômage, qui fait d’elle l’observatrice impitoyable de sa propre existence et alimente ses chroniques. « Le travail est un banquet joyeux et débonnaire », écrit-elle. Et
« le chômeur n’est pas un convive légitime ». Mais ce qui manque lui ouvre le champ de toutes les autres légitimités, à commencer par celle d’écrire.
Tout ce travail qu’elle s’invente alors… Si différent de « l’emploi », ce concept absurde dont elle décortique l’inanité et auquel il faudrait tout consentir. « J’accède à
l’état paradoxal des intermittents, des artistes, des indépendants : j’ai trop de travail pour gagner de l’argent. Ici, les questions alimentaires prennent une place existentielle.
Comment payer les factures ? » Les chroniques d'Anne sont une petite école de la liberté, qui serait si enviable si le prix n’en était pas si démesuré."
Marie Desplechin
N°24 Contestation
J'ai mis mes bottes de cow-boy, enfourché mon bolide et à 7h30 j'étais devant Pôle Emploi. Pôle Emploi ouvre à 9h, chacun le sait. Je suis allée boire mon café dans une brasserie du Pont de l'Arc. L'ambiance y est western du travailleur. Deux rangées d'immeubles se font face. On attend que les flingues sortent des poussettes et que ça se bastonne par dessus le trafic. J'y suis restée suffisamment longtemps pour entendre un grand costaud demander... (extrait de la chronique du vendredi 16 mai)
N°25 Pierre David
Mon grand père était marin, dans l'aéronaval. Je l'admirais parce qu'il avait des histoires à raconter. Il ne racontait à ses petits enfants que les histoires drôles. Les histoires dramatiques nous sont parvenues bien plus tard et par d'autres que lui. J'aimais par dessus tout celles qui concernaient la vie à la base. Un jour avec ses amis, ils avaient truffé un éclair au chocolat de moutarde à l'attention d'une marinette particulièrement gourmande. Un autre jour, ils avaient remplacé la chasse d'eau par une grenade en plâtre à l'heure où le colonel venait pisser.
C'est, je pense, la raison pour laquelle j'ai toujours considéré que le travail ne pouvait pas être un endroit complètement sérieux. Aussi, quand ce fut l'heure pour moi de rejoindre les rangs serrés des travailleurs, il m'a semblé devoir honorer sa mémoire.
(extrait de la chronique du lundi 19 mai)